La voie du rétablissement : le cancer à l’ère de la COVID-19

Répercussions sur les diagnostics de cancer

6,1 % DE CAS DE CANCER EN MOINS EN 2020

Une façon de déterminer les progrès réalisés dans la lutte contre le cancer est d’examiner les tendances en matière de diagnostics de cancer (incidence) et de décès attribuables au cancer (mortalité). Durant les premières vagues de la pandémie de COVID-19, les tendances mensuelles en matière de diagnostics de cancer ont changé brusquement, limitant ainsi la capacité à déceler avec précision les tendances et à se faire une idée exacte des répercussions du cancer sur la population canadienne. L’examen des données de 2020 confirme maintenant ce que de nombreux experts avaient prédit à ce moment-là, soit une diminution marquée du nombre de nouveaux cas de cancer diagnostiqués.

Le pouvoir des données

Les données sont essentielles pour faire progresser les efforts de lutte contre le cancer au Canada. Les registres provinciaux et territoriaux du cancer permettent de s’assurer que les données requises, comme celles qui sont incluses dans le présent rapport, sont recueillies et accessibles aux fins d’utilisation dans le Registre canadien du cancer. Le Registre canadien du cancer peut être consulté par des organisations et des initiatives de tout le pays.

Raison pour laquelle une diminution du nombre de diagnostics n’est pas nécessairement une bonne chose

Dans des circonstances normales, le nombre de nouveaux cas de cancer augmente d’environ 3 % par année en raison de la croissance et du vieillissement de la population. Une telle augmentation ne s’est pas produite au cours de la première année de la pandémie. Dans l’ensemble, le nombre de cas de cancer enregistrés en 2020 a diminué de 6,1 % par rapport à la moyenne annuelle de 2015 à 20191. Cette situation s’explique en grande partie par le fait que de nombreux services de soins de santé ont été retardés ou suspendus durant quelques mois dès mars 2020, y compris le dépistage du cancer, ce qui a entraîné un retard dans les diagnostics de cancer et, par conséquent, une diminution du nombre total de cas. Cela ne signifie toutefois pas que les taux de cancer diminuaient ou que moins de personnes étaient atteintes d’un cancer – cela signifie simplement qu’un nombre moins élevé de personnes recevaient des services de dépistage et de diagnostic du cancer.

Bien que les perturbations touchant les services de dépistage aient été le principal facteur responsable de la baisse des nouveaux cas de cancer diagnostiqués, d’autres facteurs ont également joué un rôle. Il s’agissait notamment des difficultés d’accès aux services de soins primaires et de la diminution de la fréquence des rendez-vous en personne en raison des confinements obligatoires et des restrictions de voyage, ce qui a entraîné une réduction du nombre de biopsies pratiquées aux fins d’analyse des symptômes évocateurs de cancer.

La sous-estimation des nouveaux cas de cancer en 2020 se répartit de la façon suivante :

  • En janvier et février 2020, le nombre de nouveaux cas de cancer diagnostiqués a été supérieur aux moyennes de 2015 à 2019 pour ces mêmes mois, soit une hausse de près de 11 % en janvier et de 8 % en février.
  • Lorsque le confinement obligatoire a commencé vers la mi-mars 2020 en raison de la pandémie de COVID-19, le nombre de cas de cancer a diminué d’environ 5 % par rapport à la moyenne de 2015 à 2019.
  • Les nouveaux de cas de cancer enregistrés ont chuté de près de 30 % en avril et en mai, période où l’interruption des services de dépistage et de diagnostic et des autres rendez-vous médicaux a eu le plus d’incidence sur l’enregistrement des nouveaux cas de cancer.

Lorsque les services de dépistage ont été rétablis et que les patients ont de nouveau demandé à obtenir des soins en raison de signes et de symptômes potentiels de cancer, le nombre de diagnostics a finalement augmenté au cours de l’année. En décembre 2020, le nombre de cas était de 2 % supérieur à la moyenne de 2015 à 2019 pour ce même mois. Cela étant dit, il est important de faire remarquer que le système de soins liés au cancer n’a pas « rattrapé » le retard des diagnostics qui s’était accumulé plus tôt dans l’année, ce qui a entraîné un arriéré croissant de cas non diagnostiqués qu’il faudra probablement des années pour résorber.


VARIATION EN POURCENTAGE DU NOMBRE DE CAS DE CANCER PAR MOIS EN 2020 PAR RAPPORT À LA MOYENNE DE 2015 À 2019, TOUS CANCERS CONFONDUS

Baisse importante en avril and et en mai 2020. Voir la description textuelle pour plus d'info.

Remarque : Les données préliminaires du Québec n’étaient disponibles qu’à partir d’avril.
Source : Registres provinciaux du cancer (Alberta, Colombie-Britannique, Manitoba, Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve-et-Labrador, Ontario, Île-du-Prince-Édouard, Québec, Saskatchewan)

Descriptions textuelles et tableaux de données


Tendances en matière de diagnostic par type de cancer

L’examen des données relatives aux quatre types de cancer les plus fréquemment diagnostiqués révèle que, en avril 2020, il y avait :

  • une réduction de 51 % du nombre de nouveaux cas de cancer de la prostate diagnostiqués par rapport à la moyenne des cinq années précédentes;
  • une réduction de 46 % du nombre de nouveaux cas de cancer colorectal;
  • une réduction de 31 % du nombre de nouveaux cas de cancer du sein (laquelle a atteint un maximum de 45 % en mai 2020);
  • une réduction de 30 % du nombre de nouveaux cas de cancer du poumon (laquelle a atteint un maximum de 34 % en mai 2020).

Bien que, pour la plupart de ces cancers, le nombre mensuel prévu de cas ait finalement été atteint en décembre 2020, l’incidence du cancer du poumon est restée inférieure aux prévisions pendant toute l’année. (Cela reflète non seulement les conséquences de la pandémie de COVID-19, mais aussi la diminution continue de l’incidence du cancer du poumon observée depuis le milieu des années 2010.)


VARIATION EN POURCENTAGE DU NOMBRE DE CAS DE CANCER PAR MOIS EN 2020 PAR RAPPORT À LA MOYENNE DE 2015 À 2019, POUR LES QUATRE TYPES DE CANCER LES PLUS FRÉQUEMMENT DIAGNOSTIQUÉS

Baisse importante en avril and et en mai 2020. Voir la description textuelle pour plus d'info.

Remarque : Les données préliminaires du Nouveau-Brunswick n’étaient pas disponibles aux fins de cette analyse. Les données pour le Québec n’étaient disponibles qu’à partir d’avril.
Source : Registres provinciaux du cancer (Alberta, Colombie-Britannique, Manitoba, Terre-Neuve-et-Labrador, Ontario, Île-du-Prince-Édouard, Québec, Saskatchewan)

Descriptions textuelles et tableaux de données


Lorsque les services de dépistage ont été interrompus en raison de la pandémie, de nombreux cancers dépistables n’ont pas été détectés selon les taux habituels. En mai 2020, le nombre de nouveaux cas diagnostiqués des trois cancers pour lesquels des programmes de dépistage axés sur la population sont offerts (cancer du sein, cancer colorectal et cancer du col de l’utérus) était en baisse de 39 % par rapport à la moyenne de 2015 à 2019. En comparaison, le nombre de nouveaux cas diagnostiqués de cancers pour lesquels il n’existe pas de programmes de dépistage axés sur la population a diminué de 27 %.

La réouverture des services de dépistage a entraîné une augmentation continue du nombre de diagnostics au cours de l’année, le nombre de nouveaux cas s’étant avéré légèrement supérieur aux prévisions en septembre, ce qui a permis de réduire l’écart à la fin de l’année entre le nombre de cas de cancers pour lesquels il existe des programmes de dépistage et le nombre de cas de cancers pour lesquels il n’en existe pas.


VARIATION EN POURCENTAGE DU NOMBRE DE CAS DE CANCER PAR MOIS EN 2020 PAR RAPPORT À LA MOYENNE DE 2015 À 2019, POUR LES CANCERS POUR LESQUELS IL EXISTE OU NON DES PROGRAMMES DE DÉPISTAGE

Baisse importante en avril and et en mai 2020. Voir la description textuelle pour plus d'info.

Remarque : Les données préliminaires du Nouveau-Brunswick n’étaient pas disponibles aux fins de cette analyse. Les données pour le Québec n’étaient disponibles qu’à partir d’avril.
Source : Registres provinciaux du cancer (Alberta, Colombie-Britannique, Manitoba, Terre-Neuve-et-Labrador, Ontario, Île-du-Prince-Édouard, Québec, Saskatchewan)

Descriptions textuelles et tableaux de données


Il est nécessaire d’obtenir des données en temps plus opportun pour déterminer les répercussions globales.

Bien qu’une baisse des nouveaux cas de cancer diagnostiqués ait été observée entre mars et août 2020, à la fin de l’année 2020, le cancer du poumon était le seul cancer fréquemment diagnostiqué dont le nombre de cas restait inférieur aux prévisions. Le Canada n’est pas le seul pays à faire une telle observation, puisque plusieurs pays ont fait état d’une réduction du nombre de rapports de pathologie du cancer et de nouveaux cas de cancer diagnostiqués à la suite de l’introduction des mesures de santé publique en 20202,3,4,5.

Pourtant, bien que le nombre prévu de cas mensuels ait été de nouveau atteint, le système de soins liés au cancer s’efforce toujours de régler l’arriéré de cas qui n’ont pas été diagnostiqués pendant la première vague de la pandémie. De plus, on ignore toujours l’ampleur des conséquences des vagues subséquentes de la pandémie sur les systèmes provinciaux de soins liés au cancer, principalement parce que cette information n’a pas encore été recueillie.

À cette fin, le Canada doit investir davantage dans les outils et les ressources de collecte et de compilation des données sur le cancer ainsi que dans les personnes possédant l’expertise nécessaire pour analyser et interpréter ces données. En effet, seule une évaluation plus détaillée de l’ampleur des retards de diagnostic par type de cancer, âge et province/territoire nous permettra de répondre pleinement aux besoins en matière de traitement et de suivi des patients ayant reçu un diagnostic de cancer au cours de la première année de la pandémie.

  1. Données recueillies à partir de huit registres provinciaux du cancer : Alberta, Colombie-Britannique, Manitoba, Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve-et-Labrador, Ontario, Île-du-Prince-Édouard, Québec.
  2. De Vincentiis L., Carr R. A., Mariani M. P. et Ferrara G. (2021, mars). Cancer diagnostic rates during the 2020 ‘lockdown’, due to COVID-19 pandemic, compared with the 2018-2019: an audit study from cellular pathology. J Clin Pathol, 74(3), 187-189.
  3. Dinmohamed A. G., Cellamare M., Visser O., de Munck L., Elferink M. A. G., Westenend P. J., Siesling S. et coll. (2020). The impact of the temporary suspension of national cancer screening programmes due to the COVID-19 epidemic on the diagnosis of breast and colorectal cancer in the Netherlands. J Hematol Oncol, 13, 147.
  4. Dinmohamed A. G., Visser O., Verhoeven R. H. A., Louwman M. W. J., van Nederveen F. H., Willems S. M., Siesling S. et coll. (2020, juin). Fewer cancer diagnoses during the COVID-19 epidemic in the Netherlands. Lancet Oncol, 21(6), 750-751.
  5. Kaufman H. W., Chen Z., Niles J. et Fesko Y. (2020). Changes in the number of US patients with newly identified cancer before and during the coronavirus disease 2019 (COVID-19) pandemic. JAMA Netw Open, 3(8), e2017267.

Remerciements

Le Comité de l’utilisation des données et des publications conseille le Conseil canadien des registres du cancer (CCRC) sur les questions relatives à l’utilisation et à la publication des données canadiennes sur le cancer. Cela comprend les rapports et autres publications scientifiques, les articles, les indicateurs, les cartes, les graphiques, les tableaux ainsi que toute autre forme de médium. Les données sur l’incidence et la mortalité présentées dans cette section du rapport ont été fournies par les membres du Groupe de travail sur la COVID-19 et le cancer, un sous-comité du Comité de l’utilisation des données et des publications (CUDP) composé de représentants des registres du cancer de tout le pays.