Les nouveaux horizons du Dr Simon Sutcliffe

Le Partenariat interviewe le vice-président de son conseil, acteur clé dans la création du partenariat

Dr Simon Sutcliffe

Q. Vous quittez vos fonctions après avoir été pendant huit ans président de la BC Cancer Agency. Quels sont vos projets d’avenir?

Dr Sutcliffe : Je travaille depuis 39 ans dans le secteur des soins de santé et j’ai été à la tête de d’ux organismes importants de lutte contre le cancer. Je me rends compte que je m’intéresse de plus en plus à la lutte contre le cancer à l’échelle de la population –en particulier, à l’interaction entre les pays industrialisés et les pays en développement.

C’est en tant qu’oncologue et radio-oncologue que j’ai commencé à  oeuvrer dans le domaine du cancer, aussi ai-je consacré la majeure partie de ma vie professionnelle au traitement du cancer. Depuis une dizaine d’années, nous sommes de plus en plus conscients qu’en mettant l’accent sur le traitement du cancer, nous visons les populations qui sont atteintes du cancer et qui, de plus, ont accès au traitement. En général, nous ne prenons pas en compte la période qui précède ou celle qui suit le cancer, ni l’ensemble des populations qui ne bénéficient pas d’un accès égal au traitement –c’est pourtant le cas dans les pays en développement.

Aujourd’hui, je cherche à explorer les principes de la lutte contre le cancer dans une perspective essentiellement axée sur la population, c’est-à-dire de tenter de déterminer comment on peut comprendre la lutte contre le cancer en tenant compte de contextes culturels et économiques différents.

Le défi consiste à découvrir les liens qui peuvent être établis pour obtenir des résultats tangibles et apporter une « valeur ajoutée ». Je pense, notamment, aux alliances entre pays, par exemple au sein de l’Organisation mondiale de la santé et de la Latin America-Caribbean Alliance for Cancer Control (Alliance Amérique latine-Caraïbes de lutte contre le cancer). (Je rappelle, en passant, que la BCCA, collabore, à  l’échelle internationale, avec l’Institut national du cancer du Brésil, le gouvernement de l’Irlande, avec la Chine dans le domaine de la cytologie du col utérin, le Nigeria dans le domaine du dépistage du cancer du col utérin et l’Inde dans les soins palliatifs et la détection précoce du cancer de la cavité buccale).

J’entreprendrai donc une cinquième carrière. Je suis passé du secteur du traitement du cancer (oncologie médicale et radio-oncologie), à  celui des soins aux patients atteints du cancer en milieu hospitalier, à celui de la lutte contre le cancer en population, et je m’engage maintenant dans la voie de la lutte contre le cancer à  l’échelle mondiale.

Q. Étant donné que vous avez travaillé aux États-Unis et en Afrique du Sud avant de quitter l’Angleterre pour venir vous installer au Canada, vous avez déjà  une perspective internationale. Vous avez créé et présidé le comité directeur du Congrès international de la lutte contre le cancer, qui s’est tenu d’abord à Vancouver, puis au Brésil. Est-ce que les congrès internationaux vous ont amené à  vous intéresser à  la situation mondiale?

R. Rappelons, pour mémoire, que le premier Congrès international de la lutte contre le cancer, qui s’est tenu à Vancouver en 2005, découlait directement de la Stratégie canadienne de lutte contre le cancer (c.-à -d. le plan du Partenariat). Nous voulions instaurer un forum réunissant les personnes qui s’intéressent à la lutte contre le cancer en population dans différents pays, afin de leur permettre d’échanger et de s’informer sur les mesures de lutte en population à  l’échelle nationale.

Nous avons découvert que quelques pays se sont engagés dans cette voie, comme l’Australie, la Nouvelle-Zélande, les pays scandinaves, la France, la Grande-Bretagne, certains États américains et le Canada –autrement dit, une partie de l’Amérique du Nord, de l’Europe occidentale et de l’Australasie, mais pas l’Europe orientale ni la majeure partie du monde.

Il y avait une poignée de pays fortement industrialisés déjà actifs dans le domaine, tandis que la majorité des pays n’accordaient pas une importance prioritaire à  la question. Le défi consistait à trouver des moyens de faire la promotion de la lutte contre le cancer et d’en accroître la visibilité dans les pays qui n’avaient pas toutes les ressources dont disposent l’Europe occidentale et l’Amérique du Nord.

J’ai fini par acquérir la conviction que même si ces congrès sont très utiles, pour qu’ils débouchent réellement sur quelque chose de concret dans la majeure partie du monde, il faut tenir compte de la situation contextuelle dans les différentes populations. C’est pourquoi le d’uxième Congrès international de la lutte contre le cancer s’est tenu au Brésil. Cette rencontre a aussi donné le coup d’envoi à la Latin American-Caribbean Alliance for Cancer Control.

Q. Est-ce que le Partenariat pourrait jouer un rôle de chef de file parmi les organismes de lutte contre le cancer à  l’échelle internationale?

R. Oui, je crois que la formule du Partenariat est avantageuse sur le plan international. Comme la plupart des autres pays du monde, nous disposons de ressources limitées pour la lutte contre le cancer, c’est pourquoi nous tentons de faire en sorte que « le tout soit supérieur à  la somme de ses parties ».

Le Partenariat présente la valeur ajoutée suivante : il montre que l’on peut faire beaucoup avec les ressources existantes en misant sur la collaboration. Nous avons démontré l’intérêt de créer un « tout » qui est de beaucoup supérieur à  la somme de ses parties, sans pour autant diminuer l’importance de l’une ou l’autre des parties additionnées.

Nous montrons comment les ressources institutionnelles existantes peuvent être utilisées de la manière la plus profitable possible pour l’ensemble de la population. Enfin, soyons réalistes, si nous sommes incapables de démontrer, ici au Canada, que la collaboration stratégique et les partenariats intersectoriels peuvent améliorer la santé et le bien-être de notre population, les défis seront de taille pour le reste du monde qui s’engage dans la lutte contre cet ennemi changeant qu’est le cancer.

Q. Vous êtes l’une des personnes ayant  joué un rôle de premier plan dans la création de la Stratégie canadienne de lutte contre le cancer, qui constitue le plan d’action directeur du Partenariat. Vous êtes également le vice-président du conseil d’administration du Partenariat. Vous pouvez donc avoir une véritable vision d’ensemble aussi bien de l’organisation que de ses activités!

R. La Stratégie canadienne de lutte contre le cancer a été créée à  l’issue d’un atelier national, tenu en 1996, pendant lequel un certain nombre de personnes se sont posé la question suivante : « Le Canada ne devrait-il pas se doter d’un plan national de lutte contre le cancer? » Tous, nous étions conscients des inégalités entre les résultats obtenus par les patients selon qu’ils habitaient une région ou l’autre du pays, et cela même si nous avons un système de santé à  payeur unique. Nous étions également conscients qu’aucune des organisations qui existaient alors ne pouvait, à elle seule, modifier radicalement la situation. Il était essentiel d’avoir recours à  la collaboration ou au partenariat pour créer un plan canadien de lutte contre le cancer en population.

Cet atelier de 1996 a donné le coup d’envoi à  un plan visant à  réduire les inégalités et à trouver des moyens d’améliorer l’utilisation de nos ressources collectives dans la lutte contre le cancer. Le véritable plan pour une stratégie nationale de lutte contre le cancer a été le fruit des nombreux groupes de travail, réunissant un éventail d’intervenants, qui se sont tenus au fil des ans. Cet exercice était dirigé par Santé Canada, la Société canadienne du cancer et l’Association canadienne des agences provinciales du cancer.

À partir des 158 recommandations qui ont été formulées, on a dégagé plusieurs priorités, et j’ai été nommé le premier président du conseil exécutif. Il s’agissait d’un organisme entièrement bénévole, qui aurait sans d’ute fini par se dissoudre, en raison de l’épuisement des bénévoles, si l’on n’avait pas obtenu, en 2006, une contribution financière stable, permanente et adéquate du gouvernement fédéral. (De plus, cet organisme ne disposait d’aucun pouvoir ni d’instruments de changement). Grâce à ce financement, nous nous employons aujourd’hui à mettre en oeuvre et appronfondir le plan de lutte contre le cancer, dans le cadre du Partenariat.

Simon Sutcliffe, M.D., FRCP, FRCPC, FRCR

Simon Sutcliffe est vice-président du conseil d’administration du Partenariat canadien contre le cancer. Cet oncologue et radio-oncologue s’est particulièrement intéressé, dans le cadre de sa pratique clinique et de ses recherches, aux domaines suivants : lymphome, leucémie, tumeurs endocriniennes malignes, fonction reproductrice et immunodéficience chez les patients atteints du cancer. Après avoir occupé pendant huit ans le poste de président de la BC Cancer Agency, il quittera ses fonctions en décembre 2008. Il a été, dans le passé, président de l’Ontario Cancer Institute/Princess Margaret Hospital à  Toronto.

Le Dr Sutcliffe a grandi non loin de Londres (Angleterre) et il a étudié ou travaillé au Royaume-Uni, aux États-Unis et en Afrique du Sud avant de s’installer à Toronto en 1979. Il a été membre du conseil d’administration de l’Institut national du cancer du Canada, de la Société canadienne du cancer ainsi que d’autres organismes et comités nationaux et internationaux. Le Dr Sutcliffe a présidé le Congrès international de la lutte contre le cancer, qui s’est initialement tenu à Vancouver (2002), puis à Rio de Janeiro (novembre 2007).

Il a participé à la création de la Stratégie canadienne de lutte contre le cancer (1998-2002), dont il a présidé le conseil exécutif de 2002 à  2006; le document de planification élaboré alors est le plan directeur du Partenariat.