Des chirurgies du cancer de qualité élevée pour les Canadiens, du début à la fin : questions et réponses avec le Dr Christian Finley

Les normes pancanadiennes en matière de chirurgie du cancer (Pan-Canadian Standards for Cancer Surgery, supplément en anglais seulement) ont été publiées plus tôt cette année

Le Dr Christian Finley, chirurgien thoracique et expert en chef des mesures cliniques au Partenariat canadien contre le cancer, a dirigé l’élaboration des normes pancanadiennes en matière de chirurgie du cancer. Il explique ici pourquoi elles ont été créées et comment elles aideront à améliorer la qualité de la chirurgie du cancer partout au Canada.

Pourquoi les normes ont-elles été créées?

Au Canada, le cancer représente la première cause de tous les décès (30 %)1 et a d’énormes répercussions sur le système de santé d’un point de vue économique. En 2019 seulement, on estime que plus de 220 000 Canadiens recevront un diagnostic de cancer et que plus de 82 000 en mourront2. Dans notre lutte contre la maladie, le traitement comporte trois piliers : la chimiothérapie, la radiothérapie et la chirurgie. Au cours des dernières années, nous avons constaté que la chirurgie était bien souvent gérée en dehors du système traditionnel de soins contre le cancer, car sa prestation, sa dotation en ressources et son évaluation relèvent souvent des ministères provinciaux de la Santé et des autorités sanitaires territoriales, et non des organismes de lutte contre le cancer, qui gèrent en général la chimiothérapie et la radiothérapie. C’est pour cette raison et bien d’autres encore que nous observons d’importantes variations au niveau de l’efficacité de la chirurgie du cancer dans les différentes régions du pays. Ces observations ont été quantifiées dans un rapport intitulé Les soins chirurgicaux liés au cancer qui conjuguent ressources importantes et risques élevés que nous avons publié en 2015. Au vu de ces écarts, il était nécessaire d’élaborer des normes fondées sur des données probantes en matière de chirurgie du cancer qui pourraient s’appliquer à différents sièges de la maladie et être adoptées dans tous les établissements de soins de santé où sont réalisées des chirurgies oncologiques.

En établissant des normes pour la prestation de soins et en encourageant leur adoption, nous améliorerons les pratiques chirurgicales au Canada et réaliserons l’une des priorités de la Stratégie canadienne de lutte contre le cancer (2019-2029). Le Partenariat canadien contre le cancer en est le coordonnateur, et il travaille avec les gouvernements provinciaux et territoriaux, entre autres, pour apporter des changements afin de s’assurer que notre système de lutte contre le cancer offre des soins de grande qualité dans le cadre d’un système durable et de calibre mondial.

Quels problèmes sont associés à la chirurgie du cancer au Canada?

Le rapport de 2015 s’est penché sur les chirurgies des cancers du sein, du rectum, de l’œsophage, du pancréas, du foie, du poumon et de l’ovaire. Les conclusions étaient saisissantes, car nous avons observé des variations importantes au niveau des résultats des chirurgies de ces cancers dans les différentes régions du Canada. Grâce aux progrès réalisés dans le domaine du dépistage, de nombreux cancers peuvent désormais être détectés à un stade plus précoce, et la chirurgie représente souvent l’option thérapeutique optimale pour guérir ou prendre en charge la maladie. De nombreux patients se portent bien après la chirurgie, ne présentent pas de complications et obtiennent leur congé de l’hôpital dans les délais attendus, mais certains connaissent des difficultés après la chirurgie, avec des séjours prolongés à l’hôpital, des effets indésirables nécessitant des soins supplémentaires, des réadmissions à l’hôpital ou, dans certains cas, le décès. Si la prévention, la détection précoce et le dépistage sont importants dans la lutte contre le cancer, la chirurgie est souvent la seule façon de guérir la maladie. Avec la pathologie et l’imagerie, des pratiques chirurgicales de qualité élevée peuvent entraîner une augmentation des chances de survie pouvant aller jusqu’à 55 %3. Nous devons donc nous assurer que tous les Canadiens reçoivent des soins chirurgicaux oncologiques de grande qualité.

Pourquoi existe-t-il des variations entre les hôpitaux qui offrent des chirurgies oncologiques au Canada?

De nombreuses raisons permettent d’expliquer les variations dans les pratiques de chirurgie du cancer d’une province à l’autre. Tout d’abord, il faut disposer des ressources et des services adéquats, sans oublier avant et après l’intervention. Il est essentiel que les médecins et le personnel infirmier des hôpitaux soient bien formés à la détection des signes et des symptômes particuliers des complications postopératoires, et que des procédures soient en place pour appuyer la prise de mesures en temps opportun et « secourir » un patient en cas d’effets indésirables. Il faut également que les hôpitaux aient accès à un radiologiste 24 heures sur 24, et disposent d’une salle d’opération ouverte la nuit pour permettre aux chirurgiens d’y retourner pour évaluer les patients connaissant des complications à la suite d’une chirurgie du cancer. Nous constatons que ce n’est pas le cas dans tous les hôpitaux du Canada où sont réalisées des chirurgies oncologiques. L’adoption de pratiques d’amélioration de la qualité constitue l’autre facteur clé. Aucun chirurgien, aucun établissement, ni aucune province n’est le meilleur partout. Il est extrêmement utile de pouvoir comparer son rendement à ce qui se passe ailleurs au pays. Cela signifie qu’il faut faire en sorte que les hôpitaux autorisent la collecte de leurs données et leur comparaison à celles d’autres établissements. La collecte systématique de données sur l’intervention chirurgicale et les résultats qui y sont associés est nécessaire dans tout établissement qui offre des soins chirurgicaux du cancer. Actuellement, les données sont en retard de deux ou trois ans, et leur collecte prend plus de six mois. Cela constitue un obstacle majeur au repérage et à la résolution de problèmes au niveau des pratiques chirurgicales de nombreux hôpitaux du pays.

Que sont ces normes et quel est leur objectif?

L’amélioration de la qualité de la chirurgie requiert un soutien important de la part d’un groupe multidisciplinaire de professionnels de la santé, ainsi que des procédures et un équipement adéquats. La combinaison de ces facteurs permettra de garantir que les patients subissant une chirurgie du cancer reçoivent, en temps voulu, des soins sûrs et de grande qualité. En août 2019, nous avons publié des normes pancanadiennes en matière de chirurgie du cancer, lesquelles définissent notamment les exigences en matière de formation et de ressources. Ces normes visent à résoudre les difficultés qui affectent la qualité de la chirurgie du cancer au Canada. Elles ont été créées en vue d’améliorer et de normaliser les pratiques chirurgicales dans tous les lieux du pays où ces interventions sont réalisées. Ces normes comprennent des critères concernant les chirurgiens et des procédures permettant de s’assurer que chaque hôpital offre une formation et un renouvellement régulier de l’agrément à ceux qui opèrent des patients atteints de cancer. Elles peuvent aider les hôpitaux à s’assurer qu’ils disposent des ressources organisationnelles nécessaires pour appuyer des soins de qualité élevée à tous les stades de la chirurgie du cancer. Enfin et surtout, ces normes comprennent des pratiques de collecte des données pour encourager une amélioration continue de la qualité, particulièrement grâce à la rétroaction directe des patients après leur intervention chirurgicale.

En quoi les normes profiteront-elles au patient et au système de lutte contre le cancer?

La chirurgie constitue l’une des plus grandes réussites dans le traitement de nombreux types de cancer. Grâce à cette option thérapeutique, le nombre de décès liés à cette maladie a diminué de 35 à 50 % au cours des dix dernières années3. L’efficacité de la chirurgie du cancer justifie l’importance accordée à l’optimisation de sa qualité. Il est dans l’intérêt de tous de disposer d’un système de lutte contre le cancer au sein duquel sont en place des pratiques chirurgicales de grande qualité d’un océan à l’autre du pays. Pour un patient, la chirurgie est moins effractive et entraîne moins d’effets après le traitement que la chimiothérapie et la radiothérapie. Pour le système, la chirurgie permet l’ablation complète de tumeurs et, si elle est réalisée efficacement, elle entraîne de meilleurs résultats tout en nécessitant la prestation de soins minimes au patient après le traitement. D’un point de vue économique, cela signifie que moins de ressources sont utilisées au sein du système de lutte contre le cancer. La mise en œuvre de ces normes dans les établissements de soins de santé concernés permettra à tous les Canadiens, quel que soit leur lieu de résidence au pays, de recevoir des soins chirurgicaux du cancer de qualité élevée ainsi qu’un soutien du début à la fin, depuis le diagnostic jusqu’aux soins prodigués après le traitement.

Quelles sont les prochaines étapes?

Par le biais de notre Réseau national de mise en œuvre des normes de chirurgie, nous avons accès à des décideurs des gouvernements provinciaux et territoriaux ainsi qu’à des fournisseurs de soins de santé qui jouent un rôle dans la pratique de la chirurgie du cancer. Nous rencontrons activement des chirurgiens de tous les territoires de compétence pour présenter les normes et promouvoir leur adoption, ou déterminer s’il existe, dans leur province ou territoire, des obstacles à leur utilisation. Nous avons également lancé un programme de mentorat par le biais duquel nous mettons en contact d’éminents chirurgiens du cancer avec d’autres chirurgiens pour permettre le partage des pratiques actuelles et des leçons tirées. Le but est d’avoir des champions des normes qui pourront en faciliter l’adoption par ceux qui travaillent en première ligne de la chirurgie du cancer dans chaque province et territoire. La mesure des résultats est une autre de nos grandes priorités. Nous recueillons actuellement des données pour démontrer l’efficacité de la chirurgie pour le cancer du sein, le cancer du rectum, les cancers thoraciques, les cancers gynécologiques et le cancer de la prostate. Nous savons que les ressources nécessaires à l’amélioration de la chirurgie du cancer sont limitées dans chaque province et territoire. L’obtention de données dans chaque territoire de compétence ainsi que le repérage des cancers qui sont traités efficacement par le biais de la chirurgie, et de ceux qui ne le sont pas, permettent une allocation adéquate des efforts et des ressources. Ces données seront présentées dans un rapport dont la publication est prévue au printemps 2020.

Références
1- Gouvernement du Canada. (2018). Feuillet d’information : Le cancer au Canada. Disponible à l’adresse : https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/publications/maladies-et-affections/feuillet-information-cancer-canada.html.
2- Société canadienne du cancer. (2019). Statistiques canadiennes sur le cancer 2019. Disponible à l’adresse : https://www.cancer.ca/fr/cancer-information/cancer-101/canadian-cancer-statistics-publication/?region=bc.
3- Partenariat canadien contre le cancer. (2015). Approches des soins chirurgicaux liés au cancer conjuguant ressources importantes et risques élevés. Disponible à l’adresse : https://www.partnershipagainstcancer.ca/fr/topics/quality-high-risk-cancer-surgery/